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Ce que je sais de toi, c'est que tu t'appelles Isabel, Isabel Asett, et que tu es une femme, une belle femme, une vraie belle femme, une femme vraie. Je ne sais rien de plus, pour le moment.

Isabelle, en France, c'est sûr, dans le genre assez répandu, c'est pas mal mais Isabel, avec un seul L, ça l'est déjà moins. Ton nom, lui, Asett, là, je n'ai jamais rien entendu de tel. Je ne sais pas d'où il peut venir. Je te poserai la question tout à l'heure.

Pour l'instant, tu es encore endormie, près de moi, dans les draps; tes cheveux sont éparpillés, en pagaille sur l'oreiller. Même s'ils ne bougent pas, je trouve qu'ils ont des gestes solaires, surtout que, se faufilant entre les voiles des rideaux pris dans le léger courant d'air, un rayon met en valeur toutes leurs blondeurs.

Il fait jour depuis pas mal de temps déjà; les fauvettes du parc chantent à tue-tête depuis belle lurette. Pourtant, elles ne t'empêchent pas de dormir et, tranquille, tu esquisses même un sourire. Tu es belle.

Ah, si, je sais autre chose de toi, une bien mince chose : tout le monde a tendance à t'appeler par ce diminutif trop facile et commun, Isa. Moi, ça ne m'est pas du tout venu à l'idée, et cette nuit, pendant que nous faisions l'amour, je ne savais que t'appeler Belle. Et tu aimais ça.

Toi, tu me lançais de taquins Charmant et aussi des Prince charmant, inspirés en direct de mon prénom, Arman. Facile aussi, peut-être, je ne sais pas, mais en tous cas, cela me plaisait! Pourvu que ça reste entre nous...

 

Là, maintenant, allongé dans mon lit, accoudé, le menton dans le creux de la main, la respiration calme au possible, la pompe du coeur au ralenti, je me demande qui tu es. On se connait seulement depuis hier soir mais, en ne sachant quasiment rien de toi, c'est comme si je te connaissais depuis toujours et qui plus est dans un émerveillement renouvelé.

 

Peut-être que tu trouverais cela plutôt bête mais ce qui me vient à l'esprit, c'est que tu es un ange. Etrange. Un ange: l'idée est plaisante. Un ange mais un dans un corps de femme, un avec tout l'amour qu'il peut recevoir et donner à travers lui.

Comme une marée montante, en expansion lente et puissante, un flot d'émotion finit par me submerger, qui porte sur ses profondeurs un vaisseau, vent arrière et balancé d'une molle gigue, dont toutes les voiles sont amplement gonflées. Bombées et pleines qu'elles sont, on dirait des seins. Quant à la voile principale, on dirait tout simplement un gros ventre de femme enceinte.

 

J'essaie d'ouvrir les yeux alors qu'ils sont déjà ouverts et, bien sûr, n'arrive qu'à soulever les sourcils en créant quelques rides sur le front. J'abandonne : pas possible de se réveiller de ce genre de rêve.

 

Le lit a laissé place à une plage, une magnifique plage de sable aux teintes rouge feu dilué, une plage luisante comme éclairée par une permanente lumière rasante, une plage qui s'étire dans une large crique située entre deux falaises gardiennes.

Moi, minuscule et incrédule, je déambule sur cette surface sans savoir où aller précisément et sans pouvoir ou vouloir en sortir. Cet endroit est admirable au moins de par la présence de ses galets et autres cailloux qui sont ni plus ni moins des pierres précieuses ou semi-précieuses captant, chacune, la totalité du ciel en même temps qu'un reflet de moi. Le sable, lui, n'est rien d'autre qu'un superbe vieil or rouge.

La mer qui n'est pas d'huile mais presque, se contente de glisser en généreuses, régulières et douces avancées sur la plage. Mes pieds sont maintenant mouillés et les pierres se mettent à vibrer; je les entendrais presque chanter.

Le "The Unicorn" est toujours là; au mouillage, je pense, même si ses voiles sont toujours gonflées à bloc. Une barque sans rameurs vient vers moi et finit sa course gentiment contre les premiers reliefs de sable. Une personne est dedans, une femme : toi!

Ma main se retrouve dans la tienne et je sens crisser les grains de sable fin encore collés à ma peau. Tu es là, débout dans l'embarcation, resplendissante; tes yeux brillent intensément, d'une étrange lueur, d'une étrange manière, profonde et captivante. En fait, tout ton corps brille, comme s'il était recouvert d'une scintillante poussière de quartz en suspension et tu souris franchement.

 

Même pas le temps de profiter de ce spectacle que me voilà déjà dans la barque qui nous amène au vaisseau. Sur le haut de ses flancs, vers l'avant et un peu en dessous du bastingage, s'affiche en relief et peint en rouge un "The Unicorn". A sa proue, une licorne, fière avec sa corne droite spiralée et avec sa barbe caprine, tient entre ses pattes un écriteau, un blason sur lequel je peux lire : "Let us cherish ourselves". Une devise? Une injonction?

Je suis accueilli par un équipage somme toute bien normal, mis à part ce même regard intense et le fait que ses membres s'adressent à moi en un anglais littéraire et quelque peu vieilli.

Je parviens néanmoins à comprendre ce qu'ils me disent: je suis une carte, sous entendu vivante -il ne manquait plus que ça!- et ce vaisseau, son équipage et donc toi avez besoin de moi pour continuer votre route. Un des membres de l'équipage montre sur mon torse, visible par l'échancrure de ma chemise, une sorte de tatouage. En l'ouvrant complètement, je m'aperçois que mon corps entier, le temps d'un instant, devient transparent et qu'effectivement il contient, latente, cette carte si précieuse à leurs yeux ainsi que toutes sortes d'informations encodées ayant trait à la route à suivre.

 

D'après un des types de la maistrance, un certain Francis Galton, et avant tout d'après ce que j'en comprends, pour décrypter et décoder tout ça, rien de plus facile ni de plus plaisant  -au passage, je note quelques regards loustics en coin-: chanter de concert et faire l'amour avec toi, Belle. C'est tout? Ma foi, le programme bien qu'il ne soit pas très intimiste, me semble singulièrement prometteur et engageant.

Ah, je me disais aussi; on me précise maintenant quelques nuances que j'estime pour ma part d'une importance toute capitale, et qui font que le facile passe tout à coup facilement à la trappe. Dans les deux cas, il s'agit d'un travail sur les longueurs d'ondes! Bon, d'accord.

D'un coté : harmoniques spécifiques, fréquences fondamentales, intervalles naturels, accords mystiques, ultrasons magiques; il faudra qu'on m'explique et surtout qu'on m'apprenne à placer ma voix... De l'autre coté : transmutation des énergies personnelles, vitales et ancestrales, à partir de l'énergie sexuelle; optimisation, dégémination, mixtion avec celles de la partenaire. Je ne dis pas non mais là aussi quelques explications ne seront pas de trop. Quand est-ce qu'on commence, et par quoi commence-t-on?...

En gros, ces deux processus qui ne sont pour le moment que salgimondis dans ma tête, doivent permettre rien moins que la fusion de nos deux âmes, clé indispensable pour déverrouiller les messages contenus en moi. Merci, Monsieur Galton, c'est bien de me prévenir.

A entendre toutes ces choses quelque peu absconses, je pars dans le silence de ma stupéfaction vers des questions plus terre-à-terre, si je peux me permettre: Quelle peut bien être la destination si cruciale de ce vaisseau? D'où vient-il? Que transporte-t-il de si important? Qui sont tous ces gens? Qui es-tu? Qui ou que suis-je?

 

Allongée dans mon lit, accoudée, la tête dans le creux de la main, la respiration calme au possible et visiblement la pompe du coeur au ralenti, tu chantonnes, en me regardant et en t'amusant, un petit air, celui de la Licorne des Compagnons de la Chanson! Les voiles des rideaux dansent dans leur courant d'air avec un rayon de soleil bien volontaire. Je suis encore un peu endormi, là, près de toi, dans les draps. Mon esprit flotte un peu; j'ai l'impression qu'il y a du roulis. Mes cheveux sont éparpillés, en pagaille sur l'oreiller dont la taie bleu marine est saupoudrée de paillettes de micas et de feldspaths. J'esquisse un sourire puis je souris franchement en entendant les hirondelles de mer lancer leurs entêtantes goualantes tout sauf fuligineuses. Je nous trouve beaux, exaltés et vénérés.

Tag(s) : #Mes textes
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